Les Approches Communicatives, cours d'initiation à la didactique, Ammouden, Université de Bejaia

 Cours sur l’Initiation à la didactique

 

 © Copyright : Droits d’auteur. M. Ammouden (2022) – Université de Bejaia

 

Les approches communicatives

 

Après la longue période caractérisée par les méthodologies de l’enseignement/apprentissage des langues, on passe à une autre au cours de laquelle on préfère plutôt parler des approches d’enseignement/apprentissage. On commence par parler des approches communicatives.

En expliquant pourquoi on a préféré le concept de « approche » à celui de « méthodologie », Richer (2005 :4), nous apprend que ce choix a été fait « pour éviter le caractère "compact", achevé, des M.A.V. » et pour suggérer «comme le rappelle S. Moirand (1982), le caractère transitoire et ouvert de cette méthodologie. En effet, une approche est une "hypothèse de travail" ; "la méthode à employer n'est pas a priori définie». Jean Pierre Cuq et Isabelle Gruca (2003 :244) estiment également à ce sujet qu’on a préféré le terme « approche » à celui de méthodologie, pour « souligner sa souplesse ». Cependant, cette approche repose quand-même sur « un consensus partagé en ce qui concerne l’appropriation d’une compétence de communication » (ibidem). On explique également dans le Dictionnaire de didactique, que le recours au terme « approche » et l’usage du pluriel (approches), « tendent à marquer une distance par rapport aux courants antérieurs et notamment à une méthodologie audiovisuelle réputée plus dogmatique » (Cuq, 2003 : 24).

 

8.1. Appellation et apparition des approches communicatives

Besse (1985 :46) nous apprend que cette approche est également qualifié de « cognitive (surtout aux Etats-Unis), de fonctionnelle, ou de notionnelle-fonctionnelle, de méthode communicative, voire de méthode interactionnelle ».

Les rares auteurs qui utilisent « approche communicative » au singulier parlent souvent de la période allant de 1975 à 1980, pour préférer l’appellation « Approche fonctionnelle-notionnelle » pour les années 80. C’est le cas de Tagliante (2006 :53) qui situe l’approche communicative au « début des années 1970 » et l’approche fonctionnelle-notionnelle au « début des années 1980 ».

La plupart préfèrent le pluriel. Richer (2005) qui parle ainsi de l’apparition d’un nouveau courant théorique « qu'on devrait plutôt dénommer les approches communicatives ». Il cite pour justifier cela Claude Germain, qui déclare en 1991: "Force est de constater qu'il n'existe pas UNE, mais plusieurs conceptions ou interprétations de ce qu'est l'approche communicative. (…) L'approche communicative ne constitue pas un corps de doctrine homogène sur lequel les didacticiens auraient pu s'entendre, loin de là!".

D’autres utilisent le singulier mais ne limite pas pour autant l’approche aux années 70. C’est le cas de Besse (1985 :45) qui opte pour l’appellation « la méthode communicative et cognitive », tout en expliquant que : « Ce n’est pas là une dénomination consacrée et elle recouvre, comme les précédentes d’ailleurs, des pratiques diversifiées, même si on peut considérer qu’elles impliquent une conception commune ».

Richer (2005) retient trois facteurs importants qui peuvent expliquer l’apparition des approches communicatives : la critique des méthodologies audio-visuelles, le contexte socio-historique et le contexte théorique.

En ce qui concerne le premier facteur, les deux méthodologies qui précèdent les approches communicatives ont échoué aussi bien sur le plan linguistique que sur le plan méthodologique. Sur le plan linguistique, Richer (2005 : 2-3) retient trois difficultés qui concernent les apprenants: la difficulté « de manifester une créativité linguistique » (Ibid) ; la difficulté « de communiquer dans les diverses situations de la vie quotidienne, c'est-à-dire d'adapter socialement leurs productions linguistiques, et ce à cause de l'enseignement/ apprentissage d'une langue standard aseptisée » (Ibid) ; la difficulté « pour les apprenants, ne disposant que d'une langue référentielle, d'une langue servant à nommer les choses ou à véhiculer des informations, d'exprimer leur subjectivité, d'argumenter » (Ibid). Sur le plan méthodologique, selon Richer (2005 : 3) ces méthodologiques, d’une part, « reposent sur "centration sur la méthode" (ce que F. Debyser, 1973, appelait "l'illusion méthodologique") et "oublient" l'apprenant », et, d’autre part, « mettent en œuvre une pédagogie de l'imposition laissant peu de place à l'initiative de l'étudiant, à sa créativité ».

En traitant du deuxième facteur, celui relatif au contexte socio-historique, Richer (2005 : 3) explique qu’au début des années 1970, le Conseil de l’Europe a chargé un groupe d’experts de concevoir des cours pour adultes, pour « Promouvoir contribuer à l'intégration européenne et la mobilité des populations » (Conseil de l’Europe, cité par Richer, 2003). Il ajoute qu’en France, on s’intéresse la formation continuée des adultes et on commence prendre en « considération les besoins linguistiques des migrants venus hors d'Europe ». Enfin, ajoute Richer (ibidem), on parle de l’enseignement/ apprentissage "fonctionnel" des langues de spécialité (français du tourisme, des affaires...) et cela va conduire à une exigence de renouvellement méthodologique expliqué par Porcher de la manière suivante : " il ne s'agit pas d'un français fonctionnel, mais d'un enseignement fonctionnel du français. Un enseignement est fonctionnel qui repose sur une analyse des besoins du public, des caractéristiques de celui-ci, des conditions matérielles de la pédagogie (horaires, encadrement, etc.) ..." (L. Porcher, 1976, cité par Richer, 2005 : 3).

Au sujet du troisième facteur, celui relatif au contexte théorique, Richer (2005, 3-4) parle de la remise en question des théories qui sous-tendent les méthodologies audio-visuelles. Le distributionalisme bloomfieldien et la théorie d’apprentissage de ces méthodologies, le béhaviorisme sont sévèrement contestés par Chomsky. Il conteste le distributionalisme « parce que descriptif et incapable de rendre compte de la possibilité pour tout locuteur d'engendrer un nombre infini de phrases » ; et le behaviorisme, parce qu’il refuse que « l'acquisition d'une langue puisse être assimilée à un montage de réflexes, et qui affirme que le langage ne s'acquiert pas par imitation mais par un processus actif de construction de règles » (Richer, 2005 : 4).

Après avoir traité des trois facteurs, Richer explique (2005 : 4), sous le titre « Convergences », que la contestation du distributionnalisme et du behaviorisme et le rejet « par les enseignants et les apprenants, d'une méthodologie jugée par trop contraignante », auxquels s’ajoute « l'apparition de nouveaux besoins linguistiques (tant pour une communication "ordinaire" que spécialisée) » vont dessiner « les conditions d'apparition d'un nouveau courant théorique qui va voir le jour vers 1975 et prendre pour nom : l'approche communicative ».

 

8.2. Caractéristiques des approches communicatives

8.2.1. Théories de référence

a. Théories linguistiques

 

A l’époque des approches communicatives, on a, selon Robert Galisson (1980 : 35), d’un côté une didactique générale des langues étrangères « à la remorque de la linguistique(structurale) et de la psychologie (du conditionnement) » et de l’autre une DGLE « qui veut être section ancillaire de la linguistique, et qui s’ouvre à l’interdisciplinarité, en interrogeant la socio-, la psycho-, la pragmalinguistique, l’éthnographie de la communication, la pédagogie générale, les sciences de l’éducation, l’idéologie, la politique, etc. ». La méthodologie de l’enseignement des langues cesse alors « d'être sous la dépendance d'un modèle théorique linguistique, cesse d'être une linguistique appliquée. Elle s'autonomise et devient une didactique des langues » (Richer, 2005 : 5).

Dans ce contexte, explique Richer (2005 : 5), « l'approche communicative, afin de pallier les "faiblesses" linguistiques des M.A.V. (non implication du sujet dans la langue ; non inscription de la langue dans le contexte social) fait alors appel à plusieurs courants linguistiques » : c’est particulièrement le de la linguistique de l’énonciation, de la sociolinguistique, de la pragmatique, de l'analyse de conversations et de l'analyse de discours.

Pour la subjectivité, on interroge la linguistique de l'énonciation, et particulièrement les théories de Jakobson et celles de Benveniste ; ce qui « permet de réintroduire le sujet dans la langue, dans le ici et maintenant de la situation d'énonciation ». Pour ce qui est de la dimension sociale du langage, Ajoute Richer (2005 : 5-6), on se tourne vers la sociolinguistique, et plus précisément vers « l'ethnographie de la communication avec Dell H. Hymes, définissent une conception de la communication recentrée sur le social, notamment à travers le concept de compétence de communication ». Ce concept a été élaboré « en réaction au modèle chomskien du langage articulé autour de deux notions, la notion de compétence linguistique ou "grammaire" intériorisée de la langue (c'est-à-dire les règles que construit le sujet) et celle de performance linguistique ou actualisation concrète du système intériorisé de la langue ». Ce concept compétence de communication « permet de rendre compte par exemple du fait "qu'un enfant normal acquiert une connaissance des phrases, non seulement comme grammaticales, mais comme étant ou non appropriées. Il acquiert une compétence qui lui indique quand parler, quand ne pas parler, et aussi de quoi parler, avec qui, à quel moment, où, de quelle manière." (Hymes, 1984 : 74) » (Richer, 2005 : 6).

La didactisation de cette notion de compétence de communication, vise à répondre au « désir de donner au langage enseigné une dimension sociale, tout en faisant subir à ce concept des variations quant à son contenu ». Les deux définitions qui étaient les plus utilisées sont, pour la première, celle de M. Canale et M. Swain distinguent trois compétences :

« 1 - une compétence grammaticale ou maîtrise du système linguistique ;

2 - une compétence sociolinguistique incluant les règles socio-culturelles d'appropriation de l'énoncé au contexte (selon les paramètres des thèmes/ lieu/ statut social des participants) et les règles de discours concernant principalement la cohésion/ cohérence des énoncés (ce qui constitue une prise en compte de la dimension textuelle des énoncés) ;

3 - une compétence stratégique constituée de toutes les stratégies verbales ou non-verbales ayant pour fonction de compenser les lacunes linguistiques » (Richer, 2005 : 6-7).

La deuxième a été proposée par Sophie Moirand, en 1982. Elle distingue les quatre composantes suivantes :

1 - une composante linguistique ou connaissance du système linguistique (l'équivalent de la compétence grammaticale de Canale & Swain);

2 - une composante discursive ou maîtrise des différents types de discours en relation avec les paramètres de la situation de communication ;

3 - une composante référentielle ou connaissance des différents domaines référentiels et de leurs articulations logiques ;

4 - une composante socioculturelle ou maîtrise des règles et des normes sociales d'interaction (cette notion reprend une partie de la compétence sociolinguistique de Canale et Swain) ». (Richer, 2005 : 7).

On s’appuie par ailleurs le modèle SPEAKING de D.H. Hymes, qui consiste en une grille d’analyse « appliquée à une situation d'interaction propre à une communauté donnée (…), telle le repas dominical, va en dégager les caractéristiques et notamment la part du socioculturel (par exemple, en France, la possibilité de faire se chevaucher les interventions) ». Et « C'est par le biais de ce Modèle SPEAKING que les apports de la pragmatique seront didactisés dans Un niveau-seuil » (Richer, 2005 :7).

Ainsi, l’approche communicative, pour « restituer au langage sa dimension sociale, emprunte massivement à un autre courant linguistique : la pragmatique ». Née des travaux d’Austin, auteur de l’ouvrage « (Quand dire, c'est faire, 1970, traduction française de How to do things with words), prolongés par ceux de J. R. Searle (Les actes de langage, traduction française, 1972), la pragmatique avance le concept d'acte de parole ». (Richer, 2005 :7). Austin étudie « le langage ordinaire et s'intéresse aux verbes performatifs ». Cela le conduira à proposer la notion de « actes de discours », qui renvoie à trois actes distincts : un acte locutoire, un acte illocutoire et un acte un acte perlocutoire (Richer, 2005 :7-8). Richer, explique par exemple que : « Et c'est de la pragmatique que vient un des apports de l'approche communicative : partir de l'intention de signifier, par exemple : localiser dans l'espace, puis sélectionner les formes linguistiques : à gauche/ à droite... prenez/ vous prendrez..., se révèle être une démarche totalement inverse de celle empruntée par les autres méthodologies qui partent d'une description linguistique de la langue (les déterminants/ les noms/ les adjectifs...) pour ensuite faire produire des énoncés dotés(plus ou moins) de sens » (Richer, 2005 :9).

Les approches communicatives vont également se tourner vers d'autres courants linguistiques. Elles empruntent à « à l'analyse de conversations qui, derrière l'apparente liberté de la parole, décèle des codifications, des structurations, et à l'analyse de discours qui, replaçant les énoncés dans leur contexte socio-discursif, dégage des régularités transphrastiques ». Cela conduira l'approche communicative vers « la nécessité de passer d'une linguistique de la phrase à celle du texte ». H.G. Widdowson, explique à sujet en « A partir du moment où l'on accepte d'enseigner la langue comme communication, on ne peut évidemment plus penser à la langue en termes de phrases. On doit réfléchir à la nature du discours et à comment l'enseigner au mieux. » (Widdowson, cité et traduits par Richer, 2005 : 9).

 

b. Théorie d’apprentissage

Richer (2005 : 10) affirme que « La psychologie cognitive est devenue, graduellement, dans l'approche communicative, la théorie de référence pour l'apprentissage ». Cette psychologie « considère que l'apprenant n'est pas une page blanche : "dans une perspective cognitiviste, les connaissances qu'un individu possède déjà sont le principal déterminant de ce que cet individu peut apprendre. " (D. Gaonac'h, 1987) ». Elle considère également que « l'apprentissage langagier est une construction "des règles afférentes au code et à son emploi par la découverte et l'expérimentation de leur fonctionnement." (Idem), cet apprentissage se faisant par constitutions d'équilibres et perturbations, c'est-à-dire par paliers ou stades successifs ».

 

8.2.2. Conception de la langue et de la culture

 

Dans les approches communicatives, selon les besoins langagiers des apprenants, les quatre habilités linguistiques, de compréhension et d’expressions orales et écrites, peuvent être développées. Cela dit, il arrive que certains ensembles pédagogiques privilégient l’une des quatre, d’après Germain (1993 : 202).

Sophie Moirand (1990 : 21) affirme que « un programme de langue « communicatif » a pour objectif l’enseignement d’une compétence de communication et propose donc des inventaires définis non plus en terme de structures mais en terme de fonction de communication ». C’est ainsi, ajoute-elle qu’on a essayé à travers quelques programmes de langue, conçus notamment dans des pays anglo-saxons, de « prendre en compte la dimension communicative du langage ».

La langue est considérée dans ces approches « avant tout comme un instrument de communication, ou mieux comme un instrument d’interaction sociale » (Germain, 1993 : 202).

Les aspects linguistiques (sons, structures grammaticales, lexiques, etc.) qui constituent la compétence grammaticale, ne représente « qu’une composante d’une compétence plus globale : "la compétence de communication" ». Telle qu’elle a été définie par Canale et Swain en 1980, cette dernière est constituée, en plus de cette compétence grammaticale, d’une « compétence sociolinguistique, comprenant une composante socioculturelle et une composante discursive, et [de] la compétence stratégique » (Germain, 1993 : 203).

En effet, enchaine Germain (1993 : 203), l’un des principes de ces approches et que la connaissance des règles ne suffit pas pour communiquer : « La connaissance des règles, du vocabulaire et des structures grammaticales est une condition nécessaire mais non suffisante pour la communication). Pour communiquer efficacement en L2 il faut en plus, connaitre les règles d’emploi de cette langue ». En d’autres termes, il faut savoir quelles formes linguistiques employer dans telle ou telle situation, avec telle ou telle personne, compte tenu de l’intention de communication (persuader, donner des ordres, faire une demande, etc.)." et on ne transmet pas un message de la même manière selon qu’on s’adresse à un subalterne, à un ami, à un collègue, ou à un supérieur » (ibidem).

Robert Galisson (1980 : 14-15) explique qu’auparavant « l’objectif général visé est donc la compétence linguistique (…) qui prend en compte la seule dimension linguistique (…) de la communication, et qui constitue un savoir verbal (…) c’est-à-dire une capacité à comprendre et à produire une infinité de phrases grammaticales » et « pour assurer le fonctionnement de l’outil de communication, la correction grammaticale des énoncés est donc posée comme nécessaire et suffisante » alors qu’avec le changement de la conception avec les approches communicatives « l’objectif général visé est donc (…) la compétence de communication qui prend en compte (…) la dimension linguistique et extra-linguistique de la communication, et qui constitue un savoir-faire à la fois verbal et non verbal, c’est-à-dire (…) une connaissance pratique (donc pas nécessairement explicitée) du code et des règles psychologiques, sociologiques, culturelles, qui permettent son emploi approprié en situation. Pour assurer le fonctionnement de l’outil de communication, la correction grammaticale des énoncés est donc posée comme non nécessaire et non suffisante ; d’une par, parce qu’il est très possible de se faire comprendre à l’aide de phrases grammaticalement incorrectes, d’autre part, parce que la correction grammaticale ne supplée pas certains types d’information extra-linguistiques, qui relèvent des attitudes corporelles, des gestes, des mimiques » (Galisson, 1980 : 14-15).

Le but général assigné à l’enseignement/apprentissage de la langue est de faire en sorte que « les apprenants communiquent de façon efficace en L2 ». On considère que pour communiquer efficacement, il est nécessaire d’adapter « les formes linguistiques à la situation de communication (statut de l’interlocuteur, âge, rang social, lieu physique, etc.) et à l’intention de communication (ou fonction langagière : demander d’identifier un objet, demander une permission, donner des ordres, etc.) » (Germain, 1993 : 203).

Qu’en est-il de la culture ? Pour les tenants des approches communicatives, la culture renvoie surtout à la vie quotidienne, en tenant compte du comportement non verbal qui accompagne toute communication linguistique » (Germain, 1993 : 204).

 

8.2.3. Conception de l’enseignement et de l’apprentissage

 

En traitant de la nature de l’apprentissage dans les approches communicatives, Germain (1993 : 204) explique qu’ « apprendre une langue ne consiste pas, comme le croyaient les psychologues béhavioristes et, à leur suite, les tenants de la méthode audio-orale en L2, à former un ensemble d’habitude ». Dès le début des années 60, des cognitivistes influencés par la linguistique chomskyenne (grammaire générative-transformationnelle), ont commencé « à considérer l’apprentissage comme un processus beaucoup plus créateur, davantage soumis à des mécanismes internes qu’à des influences externes ». On a compris que les êtres humains « n’apprennent pas une langue par simple imitation puisqu’ils sont amenés à produire des énoncés qu’ils n’ont jamais entendus auparavant ». On considère donc qu’apprendre une langue, consiste à « apprendre des règles permettant de produire de nouveaux énoncés plutôt qu’à répéter des énoncés déjà entendus dans l’environnement extérieur » (Ibidem). Germain (1993 : 204) ajoute qu’on peut considérer que la psychologie cognitive est avant tout une façon de prendre en compte la participation de l’individu à son apprentissage ».

Pour ce qui du rôle de l’apprenant, ce dernier « est considéré comme un "communicateur", c’est-à-dire comme un partenaire dan la négociation du sens ou du message communiqué ». Par ailleurs, « l’apprenant est en grande partie responsable de son propre apprentissage, dans la mesure surtout où le rôle de l’enseignant est moins directif ou autoritaire que dans les méthodes ou approches traditionnelles » (Germain, 1993 : 206). Germain souligne que « dans l’approche communicative, l’accent est nettement mis sur le processus plutôt que sur le produit de la communication » (ibidem).

En ce qui concerne le rôle de l’enseignant, Germain (1993 : 206) constate que dans ces approches « les rôles de l’enseignant sont passablement diversifiés ». Ils « varient en fonction de chaque auteur : un "modèle", un "facilitateur", "un organisateur" des activités de la classe, un "conseiller", un "analyste" des besoins et intérêts des apprenants, un "co-communicateur", etc. ».

En traitant du rôle du matériel didactique, Germain (1993 : 207) explique qu’on recommande à l’enseignant de recourir, « à des documents dits authentiques, c’est-à-dire non expressément conçus pour être utilisés dans une classe de langue seconde : par exemple, un éditorial de journal, un calendrier, un menu de restaurant, un bulletin de nouvelles à la radio, etc. ». De plus, le choix de ces documents « se doit de correspondre aux besoins langagiers et intérêts des apprenants ».

 

8.2.4. Conception de la relation pédagogique

 

En posant la question « D’abord, quelle langue enseigner ? », Pierre Martinez (1996 : 71) répond qu’un « Niveau-seuil », par exemple, « constitue "un ensemble d’énoncés en français permettant de réaliser tel acte de parole dans telle situation donnée", " à partir duquel chacun (pourra) opérer ses choix en fonction de ses propres objectifs, des contraintes et du contexte spécifique " ». Le même auteur ajoute qu’en dépit de « certaines différences ou nuances entre les théoriciens, c’est en effet à partir de" notions " et "fonctions" que va se définir et s’organiser, dans la mise en oeuvre d’un " acte de parole", le matériau de la langue enseignée ». Martinez (ibidem) explique ensuite que la notion représente « une catégorie d’appréhension ou, mieux de découpage du réel. Elle est évidemment variable selon les groupes humains pour lesquels la taille, la vitesse, la fréquence, la localisation, la forme ou la quantité ne sont pas conçues de façon identique ». Il précise encore qu’une notion se traduit différemment à travers les langues : « classificateurs, genre, nombre, flexion du nom, etc. L’intérêt d’une notion est lié à la fois à sa signification et à son rôle dans l’énonciation, c’est-à-dire dans les conditions effectives de la communication ». Une fonction, quant à elle, « est " opération que le langage accomplit et permet d’accomplir par sa mise en oeuvre (…) » (Coste et Galisson) ». Martinez (1996 : 71) ajoute que « Ce qui définit donc une approche notionnelle - fonctionnelle, c’est qu’à son point de départ on trouve une description des "fonctions sociales remplies par les actes de parole et leur contenu conceptuel"(Trim) ».

Pour ce qui est de la sélection et organisation des contenu Germain (1993 : 207) constate que « les formes linguistiques les plus simples sont présentées en premier lieu, mais [que] le choix de ces formes est plutôt intuitif ».

Cuq et Gruca (2003 :246) affirment au sujet du type de progression préféré dans les approches communicatives que

« Dans tous les cas, ce n’est plus une progression de type grammatical qui va gouverner le contenu du matériel pédagogique, mais les besoins langagiers formulés terme de fonctions langagières qui vont infléchir aussi bien la progression grammaticale et lexicale que les supports des leçons »

Germain (1993 : 210) déclare également que ceux qui traitent des approches communicatives ne se mettent pas d’accord au sujet du rôle et de la place de la grammaire. Il nous apprend qu’en 1986, Lise Desmarais et Monique Duplantie ont distingué trois différentes attitudes :

- « des méthodologues, comme les Américains Krashen et Terrell, ou les Britanniques Breen et Candlin » qui estime que l’approche communicative « implique le rejet d’un enseignement analytique, c’est-à-dire l’absence d’un enseignement de la grammaire » ;

- « des chercheurs, tels les Brtiniques Munby et Brumfit, des Français comme Courtillon et certains collaborateurs de Un niveau Seuil, ou des didacticiens canadiens comme Tremblay, Massey et Nut-Brown-Massey (…) qui optent pour une position médiane. Ces auteurs favorisent un enseignement à la fois analytique et non analytique de la langue : des activités de communication sont adjointes à un syllabus ou programme ayant un contenu spécifique » ;

- « ceux qui adoptent une position faible de l’approche communicative :la grammaire occuppe toujours, dans cette optique, une place prioritaire dans les programmes de L2 ».

 

Germain (1993 : 210) ajoute que généralement « ceux qui accordent une importance à la grammaire dans un cadre communicatif s’entendent pour privilégier un mode inductif d’apprentissage, appuyé par un enseignement explicite de la grammaire ».

En ce qui concerne le rôle de la langue première, dans les approches communicatives, on recommande l’utilisation de la L2, mais « lorsque cela s’avère impossible ou irréalisable, le recours à la langue maternelle des apprenants est toléré. La traduction est acceptée dans certaines circonstances ». (Germain, 1993 : 211).

Dans les approches communicatives, « toute activités implique une intention de communication ». Au lieu de privilégier les exercices structuraux, on les évite au profit des jeux, des jeux de rôle, des simulations, de la résolution de problèmes, etc. (Germain, 1993 : 211).

Pour ce qui est des interactions, l’enseignant doit proposer les activités de communication. « Parfois, cependant, il agit en tant que co-communicateur avec les apprenants. Mais en règle générale, il se contente de fournir un environnement linguistique riche et varié, de suggérer des situations de communications stimulantes, etc. ». Par ailleurs, on recommande que les apprenants interagissent souvent entre eux (Germain, 1993 : 211).

Influencés par les psychologues cognitivistes, les tenants des approches communicatives considèrent que « l’erreur est inévitable et n’est que le signe de l’état de maîtrise provisoire de la langue par l’apprenant (…). L’enseignant est amené à adopter une attitude de tolérance vis-à-vis de l’erreur » (Germain, 1993 : 211-212).

 

Par ailleurs, en s’interrogeant globalement sur les caractéristiques des approches communicatives, Amar Ammouden (2006) a mis en évidence les caractéristiques fondamentales suivantes :

 « La centration sur l’apprenant et la prise en compte de ses besoins » ;

« Le recours aux documents authentiques » ;

« L’emphase sur le discours » ;

« L’emphase sur le sens » ;

« L’emphase sur la compétence communicative » ;

« Les interactions en classe » ;

« Le travail de groupe » ;

« Les activités ludiques, le jeu de rôle et la simulation » ;

« La motivation de l’apprenant » ;

« La dimension sociale du langage » ;

« La contextualisation des activités ».

 

8.3. Critiques des approches communicatives

 

Parmi les difficultés de l’adoption de ces approches, Germain (1993 :212) cite « la question de la formation ou du perfectionnement des enseignants ». Il explique que « le concept d’authenticité n’a pas la même résonance » chez les enseignants natifs et chez ceux pour qui la langue enseignée est étrangère.

Germain (1993 :212) évoque également la difficulté que rencontre parfois l’enseignant pour « se procurer des documents "authentiques" lorsqu’il enseigne dans un milieu où l’on ne parle à peu près pas cette langue ».

Par ailleurs, on estime que « Si l’approche communicative se caractérise par son caractère souple, elle a eu quelque difficulté à articuler de façon claire les composantes de la compétence de communication. L’accent mis sur les dimensions pragmatique et sociolinguistiques s’est souvent fait au détriment d’options claires quant à la mise en place systématique des composantes grammaticales de la compétence à communiquer » (Cuq, 2003 : 24).

On explique également à ce sujet que « la place à accorder aux aspects formels de L2 (phonétique, vocabulaire, grammaire, aspects pragmatiques, etc.) par rapports aux aspects purement communicatifs, est toujours l’objet de nombreux débats » (Germain, 1993 :212).

On reproche également à cette approche de négliger la dimension culturelle : « Au titre des ambiguïtés des approches communicatives, il a aussi été relevé, parfois de façon quelque peu contradictoire ou paradoxale, qu’elles négligeaient les visées et les dimensions culturelles de l’apprentissage et qu’elles contribuaient à renforcer le privilège du natif » (Cuq, 2003 : 24).

Sous le titre, Zones d’ombre de l’approche fonctionnelle, Robert Galisson (1980 : 109-123) traite assez longuement des 8 limites suivantes :

 1. « Le projet néglige le gonflement du coût inhérent au passage d’un savoir linguistique à un savoir communicatif »

2. « Les concepts de base, empruntés et paupérisés, manquent de fiabilité »

3. « L’éclectisme en matière de théories de l’apprentissage s’explique aussi… par l’ignorance »

4. « La question du mono- ou du bilinguisme pédagogique n’est pas posée au fond»

5. « La situation faite à l’enseignant est pour le moins inconfortable »

6. « L’autonomisation de l’apprenant appelle quelque réserve »

7. « Linguistes, psycho- et sociolinguistes campent sur leur positions »

8. L’approche dite fonctionnelle éclate en courants divers (pour ne pas dire divergents).

Pierre Martinez (1996 : 81-82) explique quant à lui qu’à l’instar des méthodologies qui l’ont précédée, l’approche communicative n’est pas à l’abri des critiques. D’après lui, ce courant communicatif a certes « fait souffler un air nouveau sur une didactique contemporaine parfois confinée dans le structuralisme et le béhaviorisme et qui serait satisfaite d’une connaissance cumulative », mais il y a eu, selon lui, « parfois beaucoup de verbalisme quant aux objectifs affichés et peut-être le développement de la compétence linguistique est-il resté parfois discrètement privilégié ». Il ajoute que « La réussite des méthodes communicatives en milieu extra-scolaire (…) a peut-être trop facilement conduit à leur généralisation dans des contextes aux traditions et aux finalités absolument incompatibles ». Il explique également que la centration sur l’apprenant est également très critiquée.

 

Références bibliographiques

AMMOUDEN Amar (2006). L’enseignement/apprentissage de la grammaire : les principes des approches communicatives en 3. AS. Mémoire de magistère. EDAF-Université de Bejaia.

BESSE Henri (1985). Méthodes et pratiques des manuels de langue. Paris : Didier.

CUQ, Jean-Pierre (2003). Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde. Paris : CLE International

CUQ Jean-Pierre et GRUCA Isabelle (2003). Cours de didactique du français langue étrangère et second. Grenoble : Presses Universitaires de Grenoble.

GALISSON Robert. (1980). D’hier à aujourd’hui, la didactique générale des langues étrangères. Paris : Clé International

GERMAIN, Claude (1993) Évolution de l'enseignement des langues : 5000 ans d'histoire. Paris : CLE International. Col. Didactique des langues étrangères.

MARTINEZ, Pierre (1996). La didactique des langues étrangères. Paris : PUF. Collection Que sais-je ?

MOIRAND Sophie (1990). Enseigner à communiquer en langue étrangère. Paris : Hachette.

RICHER Jean-Jacques (2005) « Cours de didactique du FLE, envoi n°4 : « L’approche communicative », [en ligne] http://www.lef.upn.mx/ub.16D361A.doc

TAGLIANTE Christine (2006). La classe de langue. Paris : Clé international. Collection Techniques et pratiques de classe


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