Méthodologies en Didactique du FLE/FLS
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Ministère de
l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Université
de Djibouti |
Script de cours :
Composante pédagogique |
Faculté de Lettres,
Langues et Sciences Humaines |
Filière et niveau |
Lettres Modernes 1 |
Intitulé du Cours |
Méthodologies en Didactique du FLE/FLS
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Volumes horaires |
Volume horaire de cours : 25 heures/semestre Volume horaire de TD/TP : 12.5 heures par
semestre Volume horaire travail personnel: 30h/Semestre |
Modalité d’évaluation |
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Année Universitaire |
2023 / 2024
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Enseignant responsable du cours |
Dr. Abdourahman Houssein DJAMA |
Contact |
a_houssein@univ.edu.dj |
Syllabus
Titre du cours |
Méthodologies en didactique du FLE et FLS
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Objectif General du cours |
L’objectif
général de ce cours est d’amener l’étudiant à porter une réflexion sur l’étude
des sons de la langue, sur ses caractéristiques, sur ses spécificités et sur
la diversité de ses formes en sollicitant les règles de transcription
internationale (API) et les méthodes de classement des sons. A l’issue du cours, l’apprenant sera capable de
comprendre les
objectifs de cette nouvelle discipline, ses concepts de base et ses méthodes.
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Titredu Module 1 |
Théories d’apprentissages et théories linguistiques
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Titre du Chapitre 1 |
Introduction : Histoires des idées linguistiques
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Objectif du Module 1 (chapitre 1) |
À l’issue du chapitre 1, l’apprenant sera capable de
connaître l’histoire de l’étude des langues et les principales théories
linguistiques pour appréhender ensuite comment les langues ont été
enseignées. En effet, la manière de décrire la langue va conditionner la
manière de l’enseigner. |
Pré requis |
Les étudiants doivent connaître les concepts et les
principes généraux de la linguistique mais aussi de la didactique. Ils devront
savoir reconnaître et comprendre comment ont fonctionné les principales
théories linguistiques. Ils doivent en outre connaître l’histoire des
méthodologies de l’enseignement des langues. |
Historique
de la didactique du FLE
L’évolution
des méthodologies en FLE
Dans cette partie nous allons tenter de vous
présenter les différentes méthodologies qui sont apparues dans le monde de la
didactique du FLE jusqu'à ce que l’on ait arrivé à l’approche communicative et
actionnelle.
Nous allons aussi tenter de vous expliquer les
raisons qui ont permis à un courant d’apparaître et à un autre de disparaître.
Plan du cours:
L’introduction :
méthode / méthodologie
La préhistoire
de la didactique : les méthodologies traditionnelles et naturelles
La méthodologie
de « la méthode directe »
La méthodologie
Structuro-globale audio-visuelle (SGAV)
L’approche par les
compétences
Introduction :
méthode / méthodologie
Dans cette partie du cours, nous vous
proposons un parcours à travers certaines des méthodologies reconnues pour
l’enseignement des langues étrangères, et qui ont eu un impact réel sur la
didactique du FLE.
L’évolution des méthodologies est marquée
par les changements : dans les besoins, les objectifs des concepteurs et
le public des apprenants.
Nous allons commencer par déterminer la
différence entre une méthode d’apprentissage de langue et une méthodologie
d’apprentissage.
Une méthode peut être considérée comme une série de démarches
précisées par des outils que nous utilisons afin d’arriver à un but précis qui
est, dans notre cas, l’enseignement d’une langue étrangère. Dans le domaine de
la didactique du FLE, il en existe tellement qu’il serait quasi impossible de
les énumérer. Nous allons juste vous rediriger vers les sites des grands
éditeurs FLE.
Hachette, CLE international, Didier, PUG
La méthode se doit d’aider l’enseignant à se
fixer une ligne de « marche » avec ses apprenants.
Selon plusieurs enseignants, la présence
d’une méthode définie dés le début dans l’univers de la classe est très
importante et sécurisante pour les apprenants.
La méthodologie est une démarche adoptée par des chercheurs, des
didacticiens, des linguistes, des éditeurs et des enseignants afin de réaliser
une méthode. Elle se doit de fournir un ensemble de procédures d’apprentissage
aux concepteurs de méthodes afin de déterminer leurs lignes de réalisations.
Plusieurs méthodologies sont apparues et ont évolué selon le développement de
la recherche en didactique, mais aussi de la situation politico - économico –
culturelle du monde.
Depuis le XIXème siècle et jusqu’à
présent, les différentes méthodologies se sont succédé, les unes en rupture
avec les précédentes, les autres comme une adaptation de celles-ci aux
nouveaux besoins de la société. Cependant on ne peut pas définir d’une manière
précise leur succession chronologique, étant donné que certaines d’entre elles
ont cohabité avant de s’imposer aux précédentes.
Nous allons tenter de vous le démontrer dans
notre présentation des méthodologies qui sont apparues depuis le XVIII siècle
jusqu’à aujourd’hui.
2-
La «Préhistoire» de la didactique :
La
méthodologie traditionnelle et la méthodologie naturelle
Bien que la didactique des langues ne soit
apparue qu’à la fin du XIXème siècle, l’enseignement des langues a toujours été
un souci en Europe, surtout, au départ, pour l’enseignement scolaire du Latin
et du grec. Plus tard, avec les voyages et les découvertes géographiques, il
fallut trouver des méthodes afin d’apprendre la langue aux étrangers.
Dans ces temps éloignés on peut distinguer
deux courants méthodologiques distincts :
a- La méthodologie traditionnelle :
Elle fut largement adoptée dans le 18ème
et la première moitié du 19ème siècle. Elle est notamment appelée la
méthodologie de la grammaire - traduction. Beaucoup de chercheurs considèrent
que son utilisation massive a donné lieu à de nombreuses évolutions qui ont
abouti à l’apparition des nouvelles méthodologies modernes.
Cette méthodologie se basait sur la lecture
et la traduction de textes littéraires en langue étrangère, ce qui plaçait donc
l’oral au second plan. La langue étrangère était décortiquée et présentée comme
un ensemble de règles grammaticales et d’exceptions, qui pouvaient être
rapprochées de celles de la langue maternelle. L’importance était donnée à la
forme littéraire sur le sens des textes, même si celui-ci n’est pas totalement
négligé. Par conséquent, cette méthodologie affichait une préférence pour la
langue soutenue des auteurs littéraires sur la langue orale de tous les
jours. La culture était perçue comme l’ensemble des oeuvres littéraires et
artistiques réalisées dans le pays où l’on parle la langue étrangère.
Au 18ème siècle, la méthodologie
traditionnelle utilisait systématiquement le thème comme exercice de traduction
et la mémorisation de phrases comme technique d’apprentissage de la langue. La
grammaire était enseignée de manière déductive, c'est-à-dire, par la
présentation de la règle, puis on l’appliquait à des cas particuliers sous
forme de phrases et d’exercices répétitifs.
Au 19ème siècle, on a pu
constater une évolution provoquée par l’introduction de la version-grammaire
dont les pratiques consistaient à découper en parties un texte de la langue
étrangère et le traduire mot à mot dans la langue maternelle. Cette traduction
était le point de départ d’une étude théorique de la grammaire, qui n’occupait
plus une place de choix dans l’apprentissage. Par conséquent, les points grammaticaux
étaient abordés dans l’ordre de leur apparition dans les textes de base.
Etant donné le faible niveau d’intégration
didactique que présentait cette méthodologie, le professeur n’avait pas besoin
de manuel, il pouvait en effet choisir lui-même les textes sans tenir vraiment
compte de leurs difficultés grammaticales et lexicales. L’enseignant dominait
entièrement la classe et détenait le savoir et l’autorité, il choisissait les
textes et préparait les exercices, posait les questions et corrigeait les
réponses. Ce pouvoir du savoir donna aux enseignants le titre de
« Maître » ou de « Maîtresse ».
La langue utilisée en classe était la langue
maternelle et l’interaction se faisait toujours en sens unique du professeur
vers les élèves. L’erreur et l’hésitation étaient refusées et passibles de
punition pour outrage à la langue.
Le vocabulaire était enseigné sous forme de
listes de centaines de mots présentés hors contexte et que l’apprenant devait
connaître par cœur. En effet, le sens des mots était appris à travers sa
traduction en langue maternelle. La rigidité de ce système et ses résultats
décevants ont contribué à sa disparition et à l’avènement d’autres théories
plus attrayantes pour les élèves.
Remise en question, la méthodologie
traditionnelle coexistera vers la fin du 19 ème siècle avec une nouvelle
méthodologie.
b- la méthodologie naturelle
Historiquement elle se situe à la fin du 19ème
siècle et a coexisté avec la méthodologie traditionnelle bien qu’elle suppose
une conception de l’apprentissage radicalement opposée.
Ce sont les observations sur le processus
d’apprentissage de la langue allemande de F. Gouin qui en sont à l’origine. Il
a en effet été le premier à s’interroger sur ce qu’est la langue et sur le
processus d’apprentissage d’une langue pour en tirer des conclusions
pédagogiques. Il affirme que la nécessité d’apprendre des langues viendrait du
besoin de l’homme de communiquer avec d’autres hommes et de franchir ainsi les
barrières culturelles. C’est pourquoi il faut enseigner l’oral aussi bien que
l’écrit, même si l’oral doit toujours précéder l’écrit dans le processus
d’enseignement-apprentissage.
C’est à partir de la méthode de F. Gouin que
les méthodes didactiques vont se baser sur des théories de l’apprentissage
(psychologiques, sociologiques, linguistiques, etc.) et vont prôner
l’importance de l’oral.
Selon F. Gouin, l’apprentissage d’une langue
étrangère doit se faire à partir de la langue usuelle, quotidienne, si l’on
prétend que cet apprentissage ressemble le plus possible à celui de la langue
maternelle par l’enfant. D’après lui, un enfant apprendrait sa langue
maternelle par un principe “d’ordre”: il se ferait d’abord des représentations
mentales des faits réels et sensibles, puis il les ordonnerait
chronologiquement et enfin il les transformerait en connaissances en les
répétant dans le même ordre, après une période “d’incubation” de cinq à six
jours.
L’enfant n’apprendrait donc pas des mots
sans rapport, mais plutôt ajouterait les nouvelles connaissances à son acquis
personnel. La langue étant essentiellement orale, l’oreille serait l’organe
réceptif du langage, c’est pourquoi l’enfant devrait être placé en situation
d’écoute prolongée en langue étrangère.
C’est pour cela que, F. Gouin peut
être considéré comme le pionnier de l’immersion et le premier à avoir primé le
sens sur la forme et la proposition sur le mot.
En dépit des critiques qui ont été faites à
la méthode naturelle de F. Gouin et de la difficulté de sa mise en place dans
le système scolaire, il est indéniable que cette méthode a provoqué une
certaine révolution en s’opposant radicalement à la méthodologie traditionnelle
utilisée par ses contemporains. Cette opposition entre les deux a donné
naissance aux graines de la didactique des langues étrangères et à la méthodologie
directe.
3- La méthodologie de « la méthode directe »
A partir des années
1870, une interminable polémique va opposer les traditionalistes aux partisans
de la réforme directe jusqu’en 1902, date à laquelle des
instructions officielles imposeront d’une manière autoritaire l’utilisation de
la méthodologie directe dans l’enseignement national, ce que C. Puren nomme “le
coup d’état pédagogique de 1902”. Elle est considérée historiquement comme la
première méthodologie spécifique à l’enseignement des langues vivantes
étrangères. Elle est le fruit de la cohabitation des méthodes précédemment
citées.
On appelle
méthodologie directe la méthode utilisée vers la fin du 19ème siècle
et le début du 20ème siècle.
Dès la fin du 19ème
siècle la France désirait s’ouvrir sur l’étranger. La société ne voulait plus
d’une langue exclusivement littéraire, elle avait besoin d’un outil de
communication qui puisse favoriser le développement des échanges économiques,
politiques, culturels et touristiques qui s’accélérait à cette époque.
L’évolution des
besoins d’apprentissage des langues vivantes étrangères a provoqué l’apparition
d’un nouvel objectif appelé “pratique” qui visait une maîtrise effective de la
langue comme instrument de communication.
La méthodologie
directe constituait une approche naturelle de l’apprentissage d’une langue
étrangère fondée sur l’observation de l’acquisition de la langue maternelle par
l’enfant.
Les principes
fondamentaux qui la définissent sont :
· L’enseignement des mots étrangers sans passer par l’intermédiaire de leurs
équivalents en langue maternelle. Le professeur explique le vocabulaire à
l’aide d’objets ou d’images, mais ne traduit jamais. L’objectif est que
l’apprenant pense en langue étrangère le plus tôt possible.
· L’utilisation de la langue orale sans passer par l’intermédiaire de sa
forme écrite. On accorde une importance particulière à la prononciation et on
considère la langue écrite comme une langue orale “scripturée”.
· L’enseignement de la grammaire étrangère se fait d’une manière inductive
(les règles ne s’étudient pas d’une manière explicite). On privilégie les
exercices de conversation et les questions-réponses dirigées par
l’enseignant.
La méthodologie
directe se base sur l’utilisation de plusieurs méthodes : méthode directe,
active et orale.
Par méthode directe on
désignait l’ensemble des procédés et des techniques permettant d’éviter le
recours à l’intermédiaire de la langue maternelle dans l’apprentissage, ce qui
a constitué un bouleversement dans l’enseignement des langues étrangères.
Cependant l’opinion
des méthodologues directs sur l’utilisation de la langue maternelle divergeait
: certains étaient partisans d’une interdiction totale, tandis que la plupart
étaient conscients qu’une telle intransigeance serait néfaste et préféraient
une utilisation plus souple de la méthode directe.
Par méthode orale on
désignait l’ensemble des procédés et des techniques visant à la pratique orale
de la langue en classe. Les productions orales des élèves en classe
constituaient une réaction aux questions du professeur afin de préparer la
pratique orale. L’objectif de la méthode orale était donc pratique.
Le passage à l’écrit
restait au second plan et était conçu comme le moyen de fixer par l’écriture ce
que l’élève savait déjà employer oralement, c’est ce que certains ont nommé un
"oral scripturé". La progression vers la rédaction libre passait par
la dictée, puis par des reproductions de récits lus en classe et enfin par des
exercices de composition libre.
3-
La méthodologie de « la méthode directe » (suite)
Dans la méthode active on se doit d’employer
tout un ensemble de méthodes : interrogative, intuitive, imitative,
répétitive ainsi que la participation active physiquement de l’élève. Nous
allons expliquer chacune de ces méthodes :
- La méthode interrogative est un système de
questions-réponses entre le professeur et ses apprenants, afin de réemployer
les formes linguistiques étudiées. Il s’agissait donc d’exercices totalement
dirigés.
- La méthode intuitive proposait une
explication du vocabulaire qui obligeait l’élève à un effort personnel de
divination à partir d’objets ou d’images. La présentation des règles de
grammaire se réalisait également à partir d’exemples, sans passer par
l’intermédiaire de la langue maternelle. La compréhension se faisait donc de
manière intuitive.
- La méthode imitative avait comme but
principal l’imitation acoustique au moyen de la répétition intensive et
mécanique.
- La méthode répétitive s’appuyait sur le
principe qu’on retient mieux en répétant. La répétition pouvait être extensive
ou intensive. Cependant l’emploi intensif du vocabulaire donnerait lieu à une
inflation lexicale incontrôlable et négative pour l’enseignement-apprentissage
de la langue.
- L’appel à l’activité physique de l’élève
pour la dramatisation de saynètes, la lecture expressive accompagnée par
des mouvements corporels, afin d’augmenter la motivation chez l’apprenant.
Le déclin de la méthodologie directe fut
provoqué par des problèmes aussi bien internes qu’externes. Les problèmes
internes les plus importants ont été l’incontrôlable inflation lexicale et
l’intransigeance dans l’utilisation de la langue maternelle. En ce qui concerne
les problèmes externes, on peut citer le refus par les enseignants d’une
méthodologie qui leur a été imposée et l’ambition excessive de cette
méthodologie qui exigeait des professeurs une excellente maîtrise de la langue
orale sans pour autant offrir un recyclage massif des enseignants.
4- La méthodologie active
Face au refus de la part des enseignants à
la méthodologie directe, certains demandèrent de mettre en place un compromis
entre le traditionnel et le moderne et cela a donné naissance en 1920 à la
méthodologie active qui a été utilisée d’une manière généralisée dans
l’enseignement des langues étrangères jusqu’aux années 1960.
Cependant on constate une certaine confusion
terminologique en ce qui concerne cette méthodologie. En effet, on la nommait
également “méthodologie éclectique”, “méthodologie mixte”, “méthodologie orale”
....
Cette réticence à nommer cette nouvelle
méthodologie révèle la volonté d’éclectisme de l’époque et le refus d’une
méthodologie unique. Certains l’appelaient méthodologie de synthèse,
considérant qu’elle représentait une réelle évolution des méthodologies directe
et traditionnelle, alors que d’autres préfèrent l’ignorer.
La méthodologie active représente un
compromis entre le retour à certains procédés et techniques traditionnels et le
maintien des grands principes de la méthodologie directe. C’est pourquoi on
peut dire que la méthodologie active se veut une philosophie de l’équilibre.
Ce sont les problèmes d’adaptation de la
méthodologie directe qui ont orienté dès 1906 les méthodologues directs vers
une solution éclectique. Les méthodologues actifs revendiquent un équilibre
global entre les trois objectifs de l’enseignement-apprentissage : formatif,
culturel et pratique. Faisant preuve de pragmatisme, ils permettaient
l’utilisation de la langue maternelle en classe. En ce sens, on peut dire
qu’ils ont réellement assoupli la rigidité de la méthode précédente.
Cependant, ils ne sont pas allés jusqu’à
modifier le noyau dur de la méthodologie directe, ne faisant qu’introduire
certaines variations.
Ils ont opté pour un assouplissement de la
méthode orale et rendu au texte écrit sa place comme support didactique. Les
textes de base étaient plus souvent descriptifs ou narratifs que dialogués.
On a également privilégié l’enseignement de
la prononciation à travers les procédés de la méthode imitative directe.
En outre on constate un assouplissement de
l’enseignement du vocabulaire puisqu’on avait de nouveau recours à la langue
maternelle comme procédé d’explication. Par conséquent il était permis
d’utiliser la traduction pour expliquer le sens des mots nouveaux.
Cependant, dans tous les cours de FLE de
cette époque on retrouve des leçons sur des thèmes de la vie quotidienne dans
lesquelles on utilisait des images pour faciliter la compréhension et éviter si
possible la traduction du vocabulaire.
L’enseignement de la grammaire s’est
également assoupli. On a privilégié l’apprentissage raisonné en considérant que
l’apprenant avait besoin de se rendre compte du pourquoi des phénomènes. On
essayait donc d’éviter l’empirisme dans l’enseignement de la grammaire et on
utilisait une démarche inductive qui privilégiait la morphologie sur la
syntaxe.
Avec la méthodologie active, l’enseignement
du vocabulaire et de la grammaire ne se faisait plus sur le mode de la
répétition intensive, on lui préférait plutôt la répétition extensive des
structures.
De même la méthode active était amplement
valorisée afin d’adapter les méthodes utilisées à l’évolution psychologique de
l’élève et de créer une ambiance favorable à son activité puisque la motivation
de l’apprenant était considérée comme un élément clé dans le processus
d’apprentissage.
5-
La méthodologie audio-orale
La méthodologie audio-orale naît au cours de
la deuxième guerre mondiale pour répondre aux besoins de l’armée américaine de
former rapidement des gens parlant d’autres langues que l’anglais.
On a alors créé “la méthode de l’armée”.
Cette méthode n’a duré en réalité que deux ans, mais elle a provoqué un grand
intérêt dans le milieu didactique. C’est dans les années 1950 que des
spécialistes de la linguistique appliquée ont créé la méthode audio-orale (MAO),
en prenant pour socle la Méthode de l'Armée et en y appliquant systématiquement
:
- une théorie du langage : la linguistique structurale
distributionnelle
- et une théorie psychologique de l'apprentissage : le behaviorisme.
Le but de la MAO était de parvenir à
communiquer en langue étrangère, raison pour laquelle on visait les
quatre habiletés afin de communiquer dans la vie de tous les jours.
Cependant, on continuait à accorder la
priorité à l’oral. On concevait la langue comme un ensemble d’habitudes, d’automatismes
linguistiques qui font que des formes linguistiques appropriées sont utilisées
de façon spontanée.
On niait la conception universaliste de la
langue en considérant que chaque langue a son propre système phonologique,
morphologique et syntaxique. Comme on ne considérait pas le niveau sémantique,
la signification n’occupait pas une place prioritaire en langue étrangère.
C’est pourquoi le vocabulaire était relégué
au second plan par rapport aux structures syntaxiques. De plus, les habitudes
linguistiques de la langue maternelle étaient considérées principalement comme
une source d’interférences lors de l’apprentissage d’une langue étrangère ;
afin de les éviter, il était recommandé que le professeur communique uniquement
dans la langue étrangère. La place de la culture étrangère est très importante
mais elle est introduite comme une cause d’erreurs de compréhension. Aussi la
M.A.O. développe-t-elle un projet de comparatisme culturel mettant l’accent sur
les différences dans les façons de vivre
Cette méthodologie a besoin pour s’appliquer
d’instruments comme les exercices structuraux et les laboratoires de langues
pour réaliser une acquisition et une fixation d’automatisme linguistique. On
remarque que la linguistique et la psychologie de l’apprenant sont présentes
dans la conception didactique de la méthodologie.
La MAO a été critiquée pour le manque de
transfert hors de la classe de ce qui a été appris et on a considéré que sa
validité se limitait au niveau élémentaire. De même, à l’enthousiasme pour les
exercices structuraux a succédé la déception. En effet les exercices ennuyaient
les élèves, les démotivaient et le passage du réemploi dirigé au réemploi
spontané ne se faisait que rarement. Il faut aussi mentionner que le fait
d’enseigner la grammaire étape par étape, n’interdisait aucunement la fréquence
des fautes.
A partir du début des années 1960, on a
assisté à une importante influence de la linguistique sur la didactique
du français langue étrangère. L’expression “linguistique appliquée” devient
alors synonyme de “pédagogie des langues” ce qui révèle son influence sur la
didactique des langues étrangères en France.
La MAO n’a pas connu de réalisations
françaises en F.L.E., mais certains aspects seront repris dans la méthodologie
audio-visuelle française. Elle sera finalement mise à mal lorsque le
behaviorisme et le distributionnalisme seront remis en question par les
linguistes eux-mêmes.
6-
La méthodologie Structuro-globale audio-visuelle (SGAV)
Suite à la seconde guerre
mondiale et à la décolonisation, la France se trouve obligée de lutter contre
l'expansion de l'anglo-américain comme langue de communication internationale
et cherche à retrouver son rayonnement culturel et linguistique et cela dès le
début des années 50. Des équipes de recherches, constituées de linguistes, de
littéraires et de pédagogues, s’activent en France et à l’étranger pour trouver
les meilleurs outils pour diffuser le FLE. Le plan de travail est fignolé par
le ministère de l’Education qui en fait une affaire d’état. L’objectif à
atteindre est la facilitation de l’apprentissage et la diffusion générale de la
langue.
En 1954 les résultats des études
lexicales sont publiés par le C.R.E.D.I.F. (Centre de Recherche et d'Étude
pour la Diffusion
du Français) en
deux listes:
- Un français fondamental premier degré constitué de 1475
mots,
- Un français fondamental second degré comprenant 1609
mots.
Le français fondamental est
considéré comme une base indispensable pour une première étape d’apprentissage
du FLE pour des élèves en situation scolaire. Il désire leur proposer une
acquisition progressive et rationnelle de la langue qui devrait leur permettre
de mieux la maîtriser.
Le français fondamental a été
l’objet de beaucoup de critiques surtout d’ordre linguistique : pour certains, c’était
un crime contre l’intégrité de la langue française, pour d’autres, il
devait être actualisé car certains dialogues “fabriqués” présentaient une
langue peu vraisemblable, il devait également tenir en compte les besoins
langagiers et les motivations réelles du public visé. C’est ce que prétendra
faire plus tard le CREDIF avec un Niveau
Seuil.
C’est au milieu des années 1950
que Petar Guberina de l’Université de Zagreb donne les premières formulations
théoriques de la méthode SGAV
(structuro-globale audio-visuelle). La méthodologie audiovisuelle
(MAV) domine en France dans les années 1960-1970 et le premier cours élaboré
suivant cette méthode, publié par le CREDIF en 1962, est la méthode “Voix et
images de France”.
La cohérence de la méthode
audiovisuelle était construite autour de l’utilisation conjointe de l’image et du son. Le support
sonore était constitué par des enregistrements magnétiques et le support visuel
par des images fixes.
En effet, les méthodes
audiovisuelles avaient recours à la séquence d’images pouvant être de deux
types: des images de transcodage qui traduisaient l’énoncé en rendant visible
le contenu sémantique des messages ou bien des images situationnelles qui
privilégiaient la situation d’énonciation et les composantes non linguistiques
comme les gestes, les attitudes, les rapports affectifs, etc.
La MAV se situait dans le
prolongement de la méthodologie directe tout en essayant de donner des
solutions aux problèmes auxquels s’étaient heurtés les méthodologues directs.
Les didacticiens français ont également reconnu l’influence décisive américaine
dans les débuts de l’élaboration de la MAV française, cependant c’est Chomsky
qui influencera la suite de son élaboration et son utilisation.
La méthodologie SGAV repose sur le triangle : situation de communication/
dialogue/ image.
Dans la méthodologie
audiovisuelle, les quatre habiletés étaient visées, bien qu’on accordât la
priorité à l’oral sur l’écrit. La MAV prend aussi en compte l’expression des
sentiments et des émotions, non considérés auparavant.
Sur le plan de l’apprentissage,
la MAV suivait la théorie de la Gestalt, qui préconisait la perception globale
de la forme, l’intégration par le cerveau, dans un tout, des différents
éléments perçus par les sens. Dans le cas des langues, l’apprentissage
passerait par l’oreille et la vue. La langue étant considérée comme un ensemble
acoustico-visuel, la grammaire, les clichés, la situation et le contexte
linguistique avaient pour but de faciliter l’intégration cérébrale des stimuli
extérieurs.
Cette méthode s’appliquera aussi
bien à l’enseignement du lexique (sans recourir à la traduction en langue
maternelle) qu’à l’enseignement grammatical (sans l’intermédiaire de la
règle, l’apprenant saisit les règles de manière intuitive). La méthode audiovisuelle
s’appuie sur un document de base dialogué conçu pour présenter le vocabulaire
et les structures à étudier.
La méthodologie
Structuro-globale-audiovisuelle est pour beaucoup plus proche de la
méthodologie directe européenne que de l’audio-orale américaine et présenterait
également des affinités avec la méthode situationnelle anglaise. En ce sens la
SGAV aurait le mérite de tenir compte du contexte social d’utilisation d’une
langue et permettrait d’apprendre assez vite à communiquer oralement avec des
natifs de langues étrangères, mais n’offrirait pas la possibilité de comprendre
des natifs parlant entre eux ni les médias.
La méthodologie S.G.A.V. exige la
mise en place d'un dispositif lourd d'enseignement qui comporte des formations
spécifiques aux enseignants par le biais de stages, des coûts matériels
importants de mise en place (magnétophone/ laboratoire de langue...), et des
dispositifs d'enseignement contraignants : nombre réduit d'apprenants/
enseignement hebdomadaire intensif/ formation sur une longue durée (2 à 3 ans).
7- L’approche communicative
L’approche
communicative s’est développée en France à partir des années 1970 en réaction
contre la méthodologie audio-orale et la méthodologie audio-visuelle. Elle est
appelée approche et non méthodologie par souci de prudence, puisqu’on ne la
considérait pas comme une méthodologie constituée solide. Elle est le fruit de
plusieurs courants de recherches en linguistique et didactique et la suite à
différents besoins.
Il faut aussi
mentionner qu’un nouveau public d’apprenants vient de faire son apparition et
intéresse de plus en plus de nombreux psychologues, sociologues, pédagogues et
didacticiens : public composé d’adultes, principalement de migrants. Grâce
aux crédits attribués par l’Etat suite à la loi sur la formation continue et
pour la première fois en didactique des langues, on a pu composer des équipes
de chercheurs pluridisciplinaires.
Au début des années
1970, les méthodologues de FLE se sont trouvés confrontés aux problèmes
spécifiques posés par l’enseignement du français langue étrangère à des
étudiants non-spécialistes de français, dans leurs pays, pour leur permettre
l’accès à des documents écrits de caractère informationnel. Les choix
d’objectifs, de contenus et de méthodes étaient donc motivés par la situation
des pays concernés et par les besoins présents et futurs des étudiants de ces
pays. La nouvelle méthodologie s’imposait comme une approche diversifiée dont
la préoccupation était de s’adapter aux besoins langagiers de chaque public.
Toute une partie de la recherche en didactique des langues vivantes étrangères
va s’orienter dans les années 1970 vers l’analyse des besoins avant même
d’élaborer un cours de langue. Ceci provoque une nouvelle définition
d’apprentissage. Il devient un comportement adéquat aux situations de
communication en utilisant les codes de la langue cible.
Deux méthodologies ont
précédé l’approche communicative :
· Le français instrumental qui vise la communication orale en situation de
classe uniquement. Il s’agit d’acquérir une compétence de compréhension
immédiate. Il s’intéresse à la compréhension de textes spécifiques plutôt qu’à
la production.
· Le français fonctionnel, qui est fondé sur les besoins langagiers réels des
individus. Il envisage une relation de locuteur à locuteur dans certaines
situations de communication, et selon certains rôles sociaux. On détermine les
besoins langagiers des apprenants en fonction des actes de parole qu’ils auront
à accomplir dans certaines situations.
Cependant le français
fonctionnel et le français instrumental ont le même objectif pédagogique, celui
de l’enseignement volontairement limité plus ou moins utilitaire et répondant à
un appel urgent d’un public spécialisé.
Pour les
méthodologues, les étudiants qui ont besoin d’apprendre le français pour des
raisons professionnelles seraient motivés par une approche fonctionnelle,
contrairement aux apprenants en milieu scolaire qui apprennent une langue
étrangère par obligation.
7- L’approche communicative (suite)
Dans l’approche communicative les quatre
habiletés peuvent être développées puisque tout dépend des besoins langagiers
des apprenants. La langue est conçue comme un instrument de communication ou
d’interaction sociale. Les aspects linguistiques (sons, structures, lexique,
etc.) constituent la compétence grammaticale qui ne serait en réalité qu’une
des composantes d’une compétence plus globale: la compétence de communication.
Elle prend en compte les dimensions
linguistique et extralinguistique qui constituent un savoir-faire à la fois
verbal et non verbal, une connaissance pratique du code et des règles
psychologiques, sociologiques et culturelles qui permettront son emploi
approprié en situation. Elle s’acquiert en même temps que la compétence
linguistique. Il ne suffirait donc pas de connaître les règles grammaticales de
la langue étrangère pour communiquer, il faudrait en plus connaître les règles
d’emploi de cette langue (quelles formes linguistiques employer dans telle ou
telle situation, avec telle ou telle personne, etc.). L’objectif est d’arriver
à une communication efficace.
De plus, le sens communiqué n’est pas
toujours totalement identique au message que le locuteur a voulu transmettre,
car le sens est le produit de l’interaction sociale, de la négociation entre
deux interlocuteurs. En effet, lorsque l’on produit un énoncé rien ne
garantit qu’il sera correctement interprété par notre interlocuteur.
Selon l’approche communicative, apprendre
une langue ne consisterait pas à créer des habitudes, des réflexes. Les
constructions ne devraient jamais fonctionner hors des énoncés naturels de
communication.
L’apprentissage n’est plus considéré comme
passif, mais comme un processus actif qui se déroule à l’intérieur de
l’individu et qui est susceptible d’être influencé par lui. Le résultat dépend
du type d’information présenté à l’apprenant et de la manière dont il va
traiter cette information. L’enseignant devient ainsi “un conseiller”. Il doit
recourir à des documents appelés “authentiques”, c’est-à-dire non conçus
exclusivement pour une classe de langue étrangère.
L’approche communicative présente, au moins
pour la compréhension orale, diverses formes linguistiques destinées à
transmettre un même message. On prend en compte le niveau du discours et on
distingue entre cohésion (les relations existant entre deux énoncés) et
cohérence (les relations établies entre des énoncés et la situation
extralinguistique). On utilise en classe de préférence la langue étrangère,
mais il est possible d’utiliser la langue maternelle et la traduction. En ce
qui concerne l’erreur, elle est considérée inévitable.
8- L’approche actionnelle
Après l’approche communicative des années
80, nous sommes maintenant, depuis le milieu des années 90, dans une nouvelle
approche pédagogique appelée "approche actionnelle".
Celle-ci propose de mettre l’accent sur les
tâches à réaliser à l’intérieur d’un projet global. L’action doit susciter
l’interaction qui stimule le développement des compétences réceptives et
interactives.
La perspective privilégiée est de type
actionnel en ce qu’elle considère avant tout l’usager et l’apprenant d’une
langue comme des acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches (qui ne sont pas
seulement langagières) dans des circonstances et un environnement donnés, à
l’intérieur d’un domaine d’action particulier.
Si les actes de parole se réalisent dans des
activités langagières, celles-ci s’inscrivent elles-mêmes à l’intérieur
d’actions en contexte social qui seules leur donnent leur pleine signification.
Il y a « tâche » dans la mesure où l’action est le fait d’un (ou de plusieurs)
sujet(s) qui y mobilise(nt) stratégiquement les compétences dont il(s)
dispose(nt) en vue de parvenir à un résultat déterminé. La perspective
actionnelle prend donc aussi en compte les ressources cognitives, affectives, volitives
et l’ensemble des capacités que possède et met en œuvre l’acteur social.
L’usage d’une langue, y compris son
apprentissage, comprend les actions accomplies par des gens qui, comme
individus et comme acteurs sociaux, développent un ensemble de compétences générales et, notamment une compétence à communiquer
langagièrement. Ils mettent en œuvre les compétences dont ils
disposent dans des contextes et des conditions variés et en se pliant à
différentes contraintes afin de réaliser des activités langagières permettant de traiter (en
réception et en production) des textes portant sur des thèmes à
l’intérieur de domaines particuliers, en mobilisant les stratégies qui paraissent le mieux
convenir à l’accomplissement des tâches à effectuer. Le contrôle de ces
activités par les interlocuteurs conduit au renforcement ou à la modification
des compétences.
Est définie comme tâche toute visée actionnelle que l’acteur se représente comme
devant parvenir à un résultat donné en fonction d’un problème à résoudre, d’une
obligation à remplir, d’un but qu’on s’est fixé. Il peut s’agir tout aussi
bien, suivant cette définition, de déplacer une armoire, d’écrire un livre,
d’emporter la décision dans la négociation d’un contrat, de faire une partie de
cartes, de commander un repas dans un restaurant, de traduire un texte en
langue étrangère ou de préparer en groupe un journal de classe.
Les compétences générales individuelles du
sujet apprenant ou communiquant reposent notamment sur les savoirs, savoir-faire et savoir-être qu’il possède, ainsi que sur
ses savoir-apprendre.
L’Approche par les compétences
Présentation du manuel : La caravane de français
À Djibouti, une
nouvelle méthode de travail dite « Approche par les Compétences » est mise en
œuvre (après une phase d’expérimentation dans la perspective d’un enseignement
fondamental de 9 ans, obligatoire pour les enfants de 6 à 16 ans) dans le
système éducatif djiboutien. Elle se concrétise par la parution en 2006 d’une
série d’ouvrages qui ont pour titre La caravane de français pour
le cycle primaire.
Comme le mentionne
l’avant propos des manuels, ils ont été réalisé, comme les précédents, par une
équipe mixte composée de «chercheurs, inspecteurs, conseillers pédagogiques, de
formateurs de formateurs et instituteurs- expérimentateurs nationaux et
français… ». Cette équipe de chercheurs fait parti du Centre de Recherche,
d’Information et de Production de l’Éducation Nationale (CRIPEN). Cette série
est donc éditée à partir de 2006 par le CRIPEN qui en plus d’être un centre de
production, a été transformé en l’occasion en société publique d’édition.
Ce manuel fait parti
d’un ensemble qui doit couvrir tout le cycle d’apprentissage du primaire. Il
doit en paraître un tous les ans, et notre étude ne concerne que le premier et
le deuxième qui ont été édités respectivement en 2006 et en 2007. Cet ensemble
ne comporte pas de matériel complémentaire.
Les fondements méthodologiques :
La théorie pédagogique
: « la pédagogie d’intégration des acquis »
L’approche par les
compétences prend ses racines dans le courant structuraliste de la didactique
et dans une pédagogie qualifiée par son concepteur de « pédagogie d’intégration
des acquis » (X. Roegiers, 2000). Ce sont dans les formations continues que le
milieu socio professionnel s’est trouvé, très tôt, pour des questions de
rentabilité, à faire le lien entre les acquis en formation et les situations de
travail. Il fallait transférer et réinvestir les compétences acquises dans la
formation sur le lieu de travail, le plus rapidement et le plus efficacement
possible. Pour optimiser les coûts en formation, les concepteurs ont développé
une « approche intégrée et opérationnelle des acquis ». Dans les systèmes
éducatifs, il en allait autrement. Le réinvestissement des acquis n’était pas
une priorité. Cela est dû, d’abord, au fait que les contenus et les objectifs
soient morcelés d’une année sur l’autre. Les apprentissages n’étaient pas
finalisés sur des compétences socio - professionnelles, en plus de ça, « les
questions liées aux systèmes éducatifs se posent à des échelles bien
plus grandes que dans le monde de la formation » (X. Roegiers, 2000,
p. 14). Pour les concepteurs, la pédagogie des intégrations des acquis repose
sur la prise de conscience des nouveaux défis auxquels sont confrontés les systèmes
éducatifs qui doivent se fixer trois objectifs principaux:
- Ils doivent d’abord
répondre à l’augmentation de la quantité d’information, plus facilement
accessible qu’il y a quelques années. L’enseignant n’est plus le seul
pourvoyeur en connaissances. Le développement des moyens de communication fait
que l’on peut acquérir une foule d’informations plus facilement et même plus
rapidement (radio, télévision et de plus en plus internet). On doit plus mettre
l’accent sur ce que l’apprenant doit maîtriser à la fin de chaque année
scolaire que sur ce que l’enseignant doit enseigner. Le rôle de ce dernier sera
d’organiser les apprentissages de la meilleure manière possible pour amener ses
élèves au niveau attendu.
- Les systèmes
éducatifs doivent aussi donner du sens aux apprentissages, c’est à dire, amener
à réfléchir sur l’intérêt ou la nécessité des apprentissages. Pour cela, il est
important de dépasser les listes des contenus à ingérer (« apprendre par cœur
»). L’apprenant devrait plutôt situer les apprentissages par rapport à des
situations qui ont du sens pour lui et à utiliser ces acquis dans ces
situations. C’est une totale remise en cause de l’école à travers ses
objectifs, son fonctionnement, etc. La recherche du sens contribuera à apporter
des réponses, et à réconcilier certains élèves en difficulté ou en échec
scolaire avec l’école, justement parce qu’ils ne comprenaient pas auparavant le
sens des apprentissages. Cette incompréhension se traduit généralement par des
attitudes de démotivation, de violence, d’auto exclusion, etc. Pour Roegiers, «
la réflexion sur le sens renvoie notamment à la façon dont l’école
outille l’élève pour lui permettre de faire face à une situation
nouvelle pour lui… » (2000, p.15). Ces situations sont réputées pour être
nombreuses, différentes et complexes. De ce fait l’individu doit être préparé à
toutes ces situations mais en même temps, il doit s’y adapter.
- Enfin, Il s’agit de
certifier les acquis de l’élève en termes de résolution de situations
concrètes, et non plus en termes d’une somme de savoirs et de savoir-faire que
l’élève s’empresse souvent d’oublier, et qu’il ne sait pas exploiter dans la
vie active. L’école dans sa forme actuelle continue à distiller le savoir de
manière ponctuelle. Elle ne permet pas aux élèves d’être préparés à toutes ces
situations. Pour X. Roegiers, les élèves recevant les savoirs de manière
cloisonnée, continuent à réfléchir de manière cloisonnée. Ils sont pour la
plupart incapables d’intégrer les acquis dans une matière et de les réinvestir
dans une autre matière. Des recherches dans ce domaine ont montré qu’il pouvait
exister des « analphabètes fonctionnels » ; c’est à dire des personnes qui sont
allés à l’école, qui y ont acquis des connaissances mais se trouvent dans
l’incapacité de les utiliser dans la vie de tous les jours en général et dans
la vie scolaire en particulier (certains peuvent déchiffrer un texte mais sont
incapables d’en saisir le sens, d’autres peuvent faire une addition mais sont
incapables de l’utiliser dans la vie pratique, etc.). L’écart entre des acquis
scolaires et les acquis requis par les situations ne fait que s’accroître.
L’école doit en plus donner à l’élève les outils intellectuels et socio
affectifs pour prendre le recul critique nécessaire pour pouvoir affronter des
situations de tous types. Autrement dit, l’apprenant doit pouvoir développer
une réflexion sur le sens de ce qui lui est demandé de faire et sur la façon
dont il doit mener ces tâches. L’intégration des acquis dans l’enseignement
implique la nécessité d’efficacité interne, d’efficience et d’équité dans les
systèmes éducatifs. Les questions d’efficacité interne se rapportent aux taux
de réussite des élèves, tout au long de leur scolarité, et de la qualité de
cette réussite. Les questions d’efficience tentent d’établir le rapport entre
les moyens (humains, financiers, etc.) investis et les résultats obtenus. Les
questions d’équité posent la question de savoir dans quelle mesure le système
éducatif offre les mêmes chances à tous. Le terme intégration est « une
coordination harmonieuse des différentes actions » (idem, p. 21).
C’est le fait de mobiliser en même temps plusieurs savoirs et savoir-faire pour
les intégrer et résoudre une situation complexe. Il possède trois aspects :
- L’obligation d’une
interdépendance entre différents éléments que l’on cherche à intégrer.
- La nécessaire
coordination de ces éléments en vue d’un fonctionnement harmonieux.
- L’importance de la
polarisation, c’est à dire que la mise en mouvement n’est pas fortuite mais
qu’elle se fait dans un but précis de production de sens. L’intégration peut
donc être définie « comme une opération par laquelle on rend
interdépendants différents éléments qui étaient dissociés au départ en
vue de la faire fonctionner d’une manière articulée en fonction d’un but
donné » (ibidem, p. 22). Elle se fonde sur une démarche dans laquelle
l’apprenant est acteur de son apprentissage, et elle désignera « …le
processus par lequel un élève greffe un nouveau savoir à ses savoirs
antérieurs, restructure en conséquence son univers intérieur et applique
à de nouvelles situations concrète les savoirs acquis » (ibidem, p.
24). La pédagogie de l’intégration vise à faire acquérir à l’élève des
compétences de résolutions de situations complexes qui mobilisent des ressources
acquises antérieurement (X. Roegiers 2006).
La théorie didactique : « l’approche par les compétences »
La reconsidération du
système est passée bien entendu par une réécriture des programmes. À Djibouti
(comme dans d'autres pays d'Afrique), avec l'appui de X. Roegiers, dès mars
2001, une nouvelle méthode d’enseignement dite « Approche par les compétences »
est expérimentée dans la perspective d’un enseignement fondamental de 9 ans,
obligatoire pour les enfants de 6 à 16 ans.
En ce qui concerne
l’apprentissage, les compétences reposent à la fois sur des connaissances, des
habiletés, des attitudes, etc., dont l'acquisition ou la maîtrise est
nécessaire pour atteindre les objectifs prédéfinis. Pour son auteur, une
compétence est « la possibilité, pour un individu, de mobiliser un ensemble
intégré de ressources en vue de résoudre une situation-problème qui appartient
à une famille de situations » (Roegiers, 2000). Une compétence de
base est une compétence définie en termes de profil minimum à acquérir par l’élève
pour qu’il puisse suivre avec succès les apprentissages de l’année suivante.
D’une manière
générale, on peut dire qu'une compétence vise la formation globale de
l'individu. On pourrait dire qu'elle est un « savoir mobiliser » qui se
manifeste dans l'action. Les pratiques pédagogiques devraient donc être plus
systémiques, fonctionnelles et intégrées que la simple transmission des
connaissances.
L'approche par
compétences implique donc un changement de vision de l'enseignement, soit d'une
transmission d'un contenu conditionnée par une logique de la discipline vers le
développement d'activités d'apprentissage incitant les élèves à agir pour
s'approprier des connaissances, mais aussi des habiletés et des attitudes
facilitant l’intégration de leurs apprentissages.
Rôle de l’enseignant
Le professeur sera
davantage une « personne-ressource », un « guide » agissant sur la motivation
de ses élèves en ancrant, par exemple, les connaissances dans un contexte
significatif. Il devient également un concepteur d'activités pédagogiques
facilitant l'acquisition des connaissances et leur application et développant
des apprentissages de haut niveau tels que la schématisation, l'analyse, la
synthèse, l'évaluation, etc. Il s'assure aussi que les apprentissages acquis soient
transférés dans un contexte différent pour vérifier leur intégration. Il se
soucie, par ailleurs, que ses élèves soient en mesure d'être critiques envers
leurs apprentissages en les aidant à développer une démarche réflexive
(métacognition).
Rôle de l’apprenant
Cette approche se
caractérise par une pédagogie centrée sur l’élève en développant son potentiel
et en assurant son autonomie et sa socialisation. C’est une pédagogie qui exige
autant la contribution de l’apprenant que celle de l’enseignant. Cette
contribution se reflète dans les principes pédagogiques ainsi que dans tous les
principes de mise en œuvre, notamment dans les exigences de la concertation.
Conception de l’apprentissage
Dans cette approche,
l’apprentissage apparaît fondamentalement comme une activité où l’enfant est le
premier acteur. On ne peut plus le considérer comme un récepteur passif. Il
tient au contraire le premier rôle, sans quoi l’appropriation des savoirs
devient illusoire. Il s’agit donc de mettre en place de nouvelles situations de
classe qui prendront en compte l’apprenant non comme un élève à qui on impose
un savoir mais comme une personne à accompagner dans une démarche de découverte
d’un objet de connaissance et d’une pratique et ayant sa part à prendre au
projet commun. De plus cette approche ne fait pas table rase des contenus
d’enseignement existants. Plus qu’un changement, il s’agit de redéfinir les
objectifs d’enseignement en termes de compétences et de capacités.
En effet, l’approche
considère que les apprentissages n’ont pas tous le même poids et que certains
sont incontournables car utiles et constituent le socle sur lequel les futurs
apprentissages devront se construire. Ce socle constitué de compétences de
base, forme les acquis essentiels que chaque apprenant doit maîtriser à la fin
de chaque année, de chaque cycle. L’ensemble des compétences acquises, au cours
du cursus scolaire, doit permettre à l’enfant djiboutien de pouvoir faire face
à des situations nouvelles et différentes et donc d’être, à la sortie du système,
capable de s’intégrer dans la vie socioprofessionnelle, de contribuer par là
même au processus de développement économique et social de son pays. Cette
notion de compétence représente une des notions clés du Cadre européen de
référence pour l’enseignement des langues.
D’après E. Bulea et
Th. Jeanneret, elle renvoie « à la fois aux capacités des apprenants,
actuelles ou à acquérir, à leurs ressources et à leurs besoins, aux
objectifs d’enseignement/apprentissage et aux critères d’évaluation »
(2007, p. 86). Elle est posée comme objectif de toute appropriation langagière.
Ce qu’il faut retenir, c’est que toute compétence s’acquière de manière située
dans un certain environnement et, lorsque la dite compétence va être exploitée
plus tard, elle le sera aussi de manière située dans des interactions verbales.
Il y a donc correspondance entre compétence et pratique et/ou activité
discursive. Les auteurs cités signalent que la compétence s’envisage non pas
comme un état mais comme un processus. Il y a une corrélation entre la
compétence envisagée comme ressources et la 46 Les objectifs des programmes
déterminent les résultats attendus chez l’apprenant. C'est l'atteinte des
objectifs et le respect des standards qui assurent l'acquisition ou la maîtrise
de compétences propres à l’apprentissage et nécessaires en vue d’atteindre des
objectifs supérieurs. Un objectif terminal d’intégration (OTI) est une macro
compétence qui reprend les principaux acquis d’une année ou d’un cycle. Le
standard correspond au niveau de performance considéré comme le seuil à partir
duquel on reconnaît qu'un objectif est atteint. C'est l'atteinte des objectifs
et le respect des standards qui assurent l'acquisition ou la maîtrise de
compétences propres à l’apprentissage, compétence envisagée comme agir. Il ne
faut pas dissocier ces deux aspects de la compétence mais les considérer comme
« deux systèmes dynamiques qui interagissent et s’enrichissent
mutuellement et continuellement dans leur fonctionnement » E. Bulea
et Th. Jeanneret (2007, p. 107)